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 d’ADHEOS

 Pour Elena Valenciano, numéro deux du parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), l’Europe doit réagir face à cette concession faite à l’extrême droite.
 
En Espagne, l’opposition au projet de loi sur « la protection de la vie de l’être conçu et des droits de la femme enceinte », dont l’adoption supprimerait le droit à l’avortement, s’organise. Le texte présenté le 20 décembre en conseil des ministres ne permet de recourir à une IVG que dans deux cas : s’il y a eu viol, attesté par le dépôt de plainte, et s’il existe un risque « durable ou permanent » pour la santé physique ou psychique de la mère, certifié par deux médecins différents, étrangers à l’établissement où serait pratiquée l’IVG. La malformation du foetus n’est plus considérée comme un motif acceptable.
Le Parti socialiste espagnol est à l’origine de la loi qui en 2010 a introduit le droit à l’avortement volontaire durant les 14 premières semaines de grossesse en Espagne. Vous attendiez-vous à ce que le Parti populaire, une fois au pouvoir, revienne dessus ?
 
Non. Nous pensions que cette loi allait durer. Il est inconcevable qu’une avancée des droits individuels et civils, une fois acquise, soit effacée et suivie d’un brutal retour en arrière. Quand on a connu la liberté, on accepte plus difficilement d’en être privé. D’autre part, cette loi de 2010 est similaire à celle des pays qui nous entourent et elle a fonctionné très bien, sans générer de problème juridique ou sanitaire. Au contraire, le nombre d’avortements a baissé ces dernières années.
 
Si la loi sur l’avortement était majoritairement acceptée par la population, comment s’explique ce nouveau projet de loi ?
 
La seule raison est politico-électorale. Il s’agit pour le PP d’envoyer un message direct à son électorat d’extrême droite, qu’il doit mobiliser pour les élections européennes. Ceux qui ont impulsé ce projet de loi ne sont qu’une minorité au sein du PP, la plus extrémiste. La plupart des électeurs du PP ne sont pas d’accord avec ce projet de loi qui nous ramène avant 1985, avant la démocratie.
 
On entend d’ailleurs de nombreuses voix dissidentes au sein du PP ces derniers jours et le PP semble prêt à adoucir le texte. Pensez-vous qu’il va faire marche arrière ?
 
Le PP va certainement adoucir le texte, car en l’état il n’est pas acceptable par ses propres militants.
 
Il vont sûrement réduire le nombre de certificats médicaux nécessaires pour avorter ou permettre l’avortement en cas de malformation. Mais pour nous, l’essentiel est que durant un certain laps de temps, les femmes puissent décider d’avorter librement. Et cela, le PP n’est pas disposé à l’accepter. Son projet de loi nous ramène à la dictature, quand l’avortement était interdit et que les femmes avortaient dans la clandestinité dans des conditions précaires ou, quand elles en avaient les moyens, allaient dans des cliniques à l’étranger.
 
Vous avez personnellement envoyé une lettre aux femmes députées du PP pour leur demander de ne pas voter ce texte, pensez-vous que beaucoup vont s’abstenir ?
 
C’est difficile de le savoir, mais j’espère que oui. Les députées du PP doivent se sentir très mal quand elles lisent le projet de loi dans lequel les femmes sont clairement considérées comme des personnes irresponsables qui ont besoin de la tutelle de médecins, psychiatres, juges, etc., pour prendre une décision qui est de leur ressort.
 
Comment allez-vous lutter contre ce texte ?
 
D’abord, nous allons nous battre au parlement, mais aussi dans les mairies et les parlements régionaux, dans toutes les institutions, y compris européennes, pour faire entendre raison au PP. Et nous nous mobiliserons dans la rue. Il y en aura une première manifestation en février avec l’arrivée à Madrid du « train de la liberté » et nous préparons une grande mobilisation le 29 mars, avec le Parti socialiste européen, date à laquelle nous allons célébrer le Sommet européen pour la liberté des femmes à Madrid.
 
La mobilisation dans la rue en Espagne est pour le moment assez légère…
 
Il ne faut pas oublier que ce texte a été approuvé le 20 décembre, pendant les fêtes de Noël. Et je pense que les femmes pensent que nous avons la capacité de le freiner au parlement car toute l’opposition est contre ce projet. Et le PP envoie des messages, selon lesquels il va adoucir la loi, pour démobiliser les gens. Mais il n’y a pas de doute que la mobilisation finira par un grand « non » dans la rue.
 
Et qu’attendez-vous de l’Europe ?
 
Nous voulons faire prendre conscience au parlement européen que c’est un problème de perte de droits en Europe, dont il doit prendre note car il touche des femmes espagnoles, qui sont des citoyennes européennes. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’avortement mais d’un problème de restriction des libertés. On ne peut pas fragmenter l’espace européen des droits et libertés. Nous espérons que les institutions et les Etats membres feront pression sur le gouvernement espagnol pour qu’il retire la loi. Aujourd’hui ce sont les femmes espagnoles, demain cela pourrait être d’autres nationalités, car en Europe, on voit se renforcer une tendance à la restriction des libertés, avec des mesures contre la liberté des femmes, contre le mariage pour tous, contre l’émigration et la libre circulation des personnes, contre le droit à la manifestation… La commission n’a pas les compétences pour légiférer sur ce thème et elle ne va pas se prononcer. Mais au-delà de ses compétences, il existe les droits fondamentaux des femmes.