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 d’ADHEOS

François Bès, de l’Observatoire international des prisons, réagit à une note de l’administration pénitentiaire sur les nouvelles règles concernant les couples de détenu.e.s de même sexe.
 
L’ouverture du mariage aux couples de même sexe a eu des répercussions en prison. Dans une note transmise au mois d’août aux directions interrégionales des services pénitentiaires, l’administration a rappelé qu’aucun obstacle légal ne contrevient à la célébration du mariage d’une personne en détention. Elle souligne par ailleurs que les détenu.e.s marié.e.s et présent.e.s dans le même établissement peuvent être réunies:
 
«[Un établissement pénitentiaire] peut tout à fait accueillir favorablement la demande de deux personnes détenues de même sexe mariées d’être affectées dans la même cellule, sauf raison de sécurité qui s’y opposerait.‬ […] Les deux personnes détenues mariées désireuses de se rencontrer, que ce soit dans le cadre d’un parloir, d’un parloir familial ou d’une unité de vie familiale, devront solliciter préalablement l’octroi d’un permis de visite‬.»
 
François Bès est coordinateur Ile-de-France pour l’Observatoire international des prisons (OIP). Il s’est déjà penché sur la situation des homos et des trans‘ en milieu carcéral. Selon lui, les dispositions introduites par la note améliorent la situation des détenu.e.s homosexuel.le.s, mais compte tenu de l’état des prisons en France, cela risque d’avoir un effet très limité.françois-bes
 
Qu’est-ce que cette note change concrètement dans le quotidien des détenu.e.s homosexuel.le.s? Leur situation s’améliore un peu, on va vers une meilleure reconnaissance des couples de même sexe, mais les conditions et le fonctionnement des prisons ne favorisent pas l’intimité. La sexualité en prison pose problème. Et les choses sont très différentes suivant le type de prison. Désormais, les couples de même sexe pourront vivre les mêmes misères que les autres. Avant, quand il n’y avait pas de reconnaissance légale des couples homosexuels, le droit de visite était laissé à l’appréciation de la direction de la prison ou de la justice. Un pacs ou un mariage facilite les choses, mais ça reste très compliqué avant qu’il y ait une union officielle. Il faut bien avoir à l’esprit que seules 40 prisons sur 191 disposent d’unités de vie familiale, ces espaces où les détenu.e.s peuvent rester avec leur conjoint.e jusqu’à trois jours sans surveillance.
 
Certain.e.s estiment qu’il y a une inégalité de fait entre les couples homosexuels qui peuvent partager la même cellule et les couples hétérosexuels forcément séparés. Les jalousies peuvent-elles engendrer des violences? Des tensions étaient déjà apparues au moment du pacs. Les hétéros ont le sentiment que les homos sont privilégié.e.s car les relations sexuelles ne sont pas autorisées au parloir. Mais il n’y a pas de prison mixte en France et on en trouve extrêmement peu en Europe, je crois qu’il y a une au Danemark. La présence de plusieurs personnes en cellule complique les choses, cela peut créer des réactions de rejet et de l’homophobie. De manière générale, la prison est un monde homophobe parce que c’est un concentré de ce qu’il y a dehors. Dans le monde libre, on peut changer de trottoir. En prison, on n’est plus en mesure de le faire.
 
La surpopulation carcérale n’est-elle pas un frein à la possibilité pour un couple d’être à deux en cellule? En maison d’arrêt, on est deux ou plus. Mais pour partager une cellule, il faut avoir le même statut pénal. Les prévenu.e.s, qui n’ont pas encore été jugé.e.s, et les condamné.e.s, dont la sentence a été prononcée, ne sont pas mis.es ensemble. Cela dépend aussi de la longueur de la peine. Nous avons reçu plusieurs fois des courriers émanant de personnes obligées d’être à trois par cellule et où le ou la troisième se plaint parce que les deux autres ont des relations sexuelles sous ses yeux. Nous répondons avec pédagogie pour enrayer l’homophobie: c’est la gestion pénitentiaire qui crée la promiscuité, pas l’homosexualité. Les couples s’arrangent parfois pour attendre que la troisième personne parte en promenade. Mais l’absence d’intimité demeure: un.e surveillant.e peut contrôler la cellule à tout moment grâce à l’œilleton. Et s’il lui vient l’envie de faire pression sur le couple, il lui est possible de faire un rapport d’incident et de porter plainte pour outrage à la pudeur.