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 d’ADHEOS

Mme Christine Boutin
 
Présidente Parti Chrétien démocrate
 38 rue de Berri
 75008 PARIS
 
 
Madame la Ministre,
 
Votre lettre ouverte du 20 janvier 2010, à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, à propos du film « Le Baiser de la Lune »., nous a profondément choqués et nous désirons, reprenant des termes contenus dans votre lettre, vous dire notre surprise et notre indignation partagées par tous ceux qui oeuvrent pour que les homosexuels se voient reconnaître l’égalité des droits comme tout citoyen de ce pays.
 
Vous parlez de la neutralité philosophique et politique qui doit s’imposer aux enseignants. Et bien cette neutralité, nous estimons qu’elle doit s’exercer à l’égard de tous. L’objectif de l’enseignement doit être de transmettre les valeurs humanistes et laïques, piliers constitutionnels et fondamentaux de notre société. Le XXème siècle nous a montré à quoi aboutissaient tous ceux qui, au nom du peuple et de son salut, voulaient imposer leurs dogmes. Les homosexuel(le)s ont payé un très lourd tribut à ces idéologies, tribut qui n’est pas toujours mentionné lors des journées nationales du souvenir de la déportation. Notre association se bat pour que ce fait historique soit reconnu et que ses causes soient expliquées, dès leur plus jeune âge, aux enfants, futurs citoyens de notre République. Nous supposons que vous devez trouver qu’un enseignant sort de sa neutralité s’il en parle. Selon ce raisonnement, un enseignant doit (et c’est heureux !) réprimer toute injure antisémite ou raciste adressée à ses élèves, mais il devrait absolument se taire lorsqu’un enfant se fait traiter de « pédé » ou de « sale gouine ». Accepteriez vous que, dans une école, une petite fille se fasse impunément traiter de « putain » sous prétexte que c’est une injure banalisée et pourtant sexiste ?
 
Vous écrivez également que le film Le Baiser de la Lune « bafoue le principe de la neutralité de l’enseignement public en s’immisçant dans la conscience et l’intimité des enfants sans égard pour la responsabilité des parents ». Si des parents expliquent parfois à leurs enfants que le rôle des femmes est de rester enfermées, de ne sortir que totalement voilées et d’être soumises totalement au mari que ses parents lui ont choisi, ne trouveriez –vous pas normal, au nom de l’humanisme et de l’égalité des sexes, que l’école vienne apporter une autre conception de la société, permettant à l’enfant d’avoir un regard critique face à cette attitude parentale ? Il en est de même en ce qui concerne les homosexuel(le)s, victimes de discriminations et même d’agressions injustifiables. Mais nous concevons parfaitement que des parents qui, tout comme vous, affichent une certaine forme d’homophobie et l’inculquent à leurs enfants, soient inquiets de voir ceux-ci leur demander pourquoi ils ont une telle attitude de rejet.
 
Vous écrivez encore que « l’apprentissage du respect de l’autre et de sa différence… ne peut se faire en niant une différence fondamentale : la différence des sexes ». La personne homosexuelle ne nie pas la différence des sexes puisqu’il reconnaît a contrario qu’il n’a d’attirance sexuelle que pour une personne de son propre sexe.
 
L’homosexuel ne professe pas non plus une religion dont il chercherait à convertir les autres. N’étant pas lui-même « converti » par la pression puissante et constante dont il est l’objet depuis sa naissance pour rentrer dans la norme hétérosexuelle, il est surprenant de laisser entendre, comme vous le faites, que l’homosexualité a la faculté d’inverser, par sa seule évocation, l’attirance sexuelle des hétérosexuels. Ce serait reconnaître implicitement qu’elle a un pouvoir de séduction insurmontable et nous ne comprenons pas comment une personne qui a exercé des fonctions importantes et donc demandant beaucoup d’intelligence, peut sérieusement cautionner un tel constat contraire à toute logique et que l’histoire de l’humanité contredit. L’homosexualité n’est pas une maladie transmissible ; elle fait partie de la diversité humaine.
 
La majorité des homosexuels souhaite pouvoir s’intégrer dans cette société qui a priori leur est toujours hostile et, si parfois elle se réfugie dans un ghetto, c’est parce que les homophobes la rejettent dans ce ghetto à force de harcèlement et d’agressions. Nous pensons donc que, si la société admettait l’homosexualité comme une de ses composantes normales et les homosexuels comme des citoyens à part entière, il n’y aurait pas plus ni moins d’homosexuels. La différence, et elle est de taille, c’est qu’ils seraient plus heureux et plus apaisés.
 
Ce raisonnement sur la différence des sexes est aussi celui que vous arguez en matière d’adoption : seul un couple hétérosexuel peut élever des enfants normalement. Cela signifie-t-il que les veufs et veuves auront forcément des enfants anormaux ? Les faits ne le prouvent pas. En revanche, la société peut fabriquer des enfants malheureux en ne prenant pas en compte, dès leur plus jeune âge, leurs différences. Elle en arrive même à les pousser au suicide. D’ailleurs, si on allait au bout de votre raisonnement qui considère implicitement que l’homosexualité est une maladie contagieuse, cela indiquerait que les parents hétéros qui ont des enfants homosexuels seraient eux-mêmes anormaux et qu’il faudrait donc les empêcher de procréer ? Ce genre de raisonnement nous inquiète profondément par les dérives qu’il peut justifier d’autant plus qu’en effet, vous avez raison de dire que bien des Français (heureusement de moins en moins) partagent vos idées. Nous croyons qu’en tant que responsable d’un parti politique, vous devriez réfléchir aux conséquences de vos prises de position sur les comportements des personnes qui vous font confiance.
 
Nous, associations, vivons dans la réalité, et non dans l’idéologie ou la religion, et nous voyons les résultats sur le terrain de ce type d’argumentation que vous développez. Le récent livre de Jean-Marie Périer intitulé « Casse-toi » en fait état et, en tant que chrétienne, il devrait vous bouleverser, d’autant plus qu’il reflète une réalité quotidienne reconnue statistiquement (le suicide est 13 fois supérieur à la moyenne chez les jeunes homosexuels). C’est cela que nous voulons éviter et, dans ce but, il faut que, dès le plus jeune âge, nous enseignions les valeurs de tolérance, c’est-à-dire de respect de l’autre sans pour autant nécessairement partager son point de vue. La loi de la majorité dans le respect de la minorité, cela s’appelle la démocratie.
 
Ce qui nous étonne dans votre attitude, et c’est pour cela que nous vous écrivons, c’est que vous avez su faire preuve envers les déshérités d’une certaine compassion en n’hésitant pas à aller sur le terrain faire des maraudes mais, dès qu’il s’agit d’homosexualité, vous donnez l’impression de devenir autiste. Nous le regrettons vraiment et nous ne pouvons que vous encourager à approfondir votre connaissance de l’homosexualité avec intelligence, neutralité et surtout compréhension envers tous ceux qui souffrent parce que les autres appliquent votre « idéologie relativiste » et religieuse.
 
En tout état de cause, sachez que, si vous venez à Saintes, nous vous accueillerons, sinon avec plaisir du moins avec courtoisie, et que nous sommes prêts à vous exposer des cas nombreux et très douloureux qui devraient vous interpeller.
 
Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à notre respectueuse considération.
 
Le Président d’ADHEOS