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 d’ADHEOS

Adoptée en mai dernier, la loi instaurant le mariage pour tous continue de susciter l’opposition. Les partisans de la Manif pour tous ne cessent de faire entendre leur voix. Au nom de la famille.
 
Ils sont têtus comme des Bretons. Mais au bonnet rouge, ces rebelles-là préfèrent la chemise vichy version homme, le foulard smart ou le serre-tête côté femme. Ils manifestent, ils veillent, débattent, se posent en sentinelles, en rempart protecteur des valeurs familiales: "ils", ce sont les activistes de la Manif pour tous, les anti-mariage pour tous dont le sifflet n’a pas été coupé par la promulgation de la loi autorisant le mariage gay et lesbien en mai dernier.
 
En décembre encore, sept mois après les premières unions homo, ils n’en démordaient pas: "Nous ne cesserons nos actions que lorsque nous aurons gagné." Ce qui pourrait prendre un certain temps, voire une éternité.
 
Alors, ils continuent de faire entendre leur petite voix discordante, celle qui était portée par Frigide Barjot au printemps dernier, en un mouvement hétéroclite rassemblant autant des élus de l’UMP que des militants du FN, des cathos traditionalistes et des centristes laïcs, des jeunes et des vieux, pot-pourri uni par le sentiment que la loi Taubira fait exploser la famille. Mouvement qui a interpellé bien au-delà de la France, la presse canadienne s’étonnant par exemple de ces "drôles de Français" qui manifestent non pas pour avoir un droit mais contre un droit accordé à autrui.
 
"Légitime de s’opposer à une loi injuste"
 
En Charente, la famille des "Manif pour tous" a un foyer bien identifié: Cognac. "Mais dans le département, on est environ 500", dit Clémence Staquet, pro de la com’ et porte-parole du mouvement. On retrouve quelques militants très actifs à Angoulême aussi, qui n’ont pas hésité à manifester sur les boulevards bordelais à la veille de Noël.
 
Depuis le printemps, ils alternent veillées silencieuses, sentinelles muettes devant les tribunaux, coup d’éclat au Festival du film d’Angoulême ou lors de la visite angoumoisine de Najat Vallaud-Belkacem, manifestations en voiture, soirées-débats. Clémence Staquet: "Nous considérons qu’il est légitime de s’opposer à une loi que l’on ne trouve pas juste. Grâce à ce mouvement, nous avons découvert que nous avons une voix, et que cette voix compte." Brindille à la prunelle myosotis, Clémence Staquet se fait roc aux yeux revolver dès qu’il s’agit de défendre sa famille idéale: "C’est un couple. L’enfant en est le fruit, l’aboutissement. Et jusqu’à preuve du contraire, deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas faire un enfant."
 
Elle ne fait pas partie des ultras du mouvement, reconnaît même – "mais ça, c’est personnel" – que seule "l’adoption par les couples homosexuels, porte ouverte à la PMA et à la grossesse pour autrui" motive son implication dans le mouvement. "Si la loi s’était limitée à la reconnaissance d’une égalité sociale pour les couples homosexuels, je n’aurais pas manifesté." Le volet "enfant", les notions "d’infertilité sociale", de "parents A et parents B" l’ont poussée sur le sentier de la guerre. Elle et bien d’autres.
 
Comme François Méhaut, par exemple, cognaçais lui aussi, bien connu des milieux catholiques à Cognac. Ex-délégué du procureur de la République d’Angoulême. Ex, car lorsque la loi Taubira est passée, il a préféré démissionner. "Je ne pouvais plus contribuer à faire respecter une loi alors que moi-même, je m’opposais à la loi." Et il s’oppose. Aux veillées du mercredi, sur le net, à chaque visite d’un membre du gouvernement en Charente. Il s’oppose à Cognac, à Angoulême et même à Paris, au point d’avoir goûté à son premier passage en cellule il y a dix jours. Il participait à un sit-in à Paris avec d’autres opposants. Il a été embarqué par la patrouille. Vérification d’identité au poste. Signe d’une "répression policière aveugle", selon Clémence Staquet.
 
Chaque mercredi, avec un peu plus d’une douzaine de "veilleurs", ils continuent de venir place François-Ier à Cognac.
 
Ils se réunissent à la lueur des bougies. ça ressemble à une prière de rue, ça hérisse le poil du Front de gauche comme une prière de rue, mais ce n’est pas une prière de rue. "On se réunit, on lit des textes, des extraits de philosophes, d’artistes, d’écrivains, puis on médite et débat sur ces textes", précise Clémence Staquet, mi-amusée mi-agacée lorsqu’elle a entendu Michel Gourinchas, le maire de Cognac, qualifier son groupe de "résidus de la droite maurrassienne".
 
Le sermon de l’évêque
 
Le 2 février, c’est à Paris qu’elle battra le pavé, lors d’une manifestation nationale. "Ce jour-là, il y aura des manifestations de défense de la famille dans toutes les capitales européennes. Le mouvement devient transnational", se réjouit la jeune Cognaçaise.
 
Malgré sa solide expérience de scout, sa présence à la messe tous les dimanches, sa participation à une chorale religieuse, elle n’a pas l’impression de mener la révolution du goupillon. "Même si aujourd’hui, être catho, dire “aimez-vous les uns les autres”, c’est révolutionnaire."
 
Point de vue sûrement partagé par Claude Dagens, l’évêque. C’est sûrement le seul. Car l’ecclésiastique est quand même venu sermonner ses ouailles cognaçaises récemment, leur rappeler que le catholicisme n’était pas une religion du refus et du rejet. Sur ce point, la jeune femme, pro de la com’ et de la rhétorique, préfère dire: "Joker."