NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

 ENQUÊTE. En France, les films lesbiens restent plus difficilement distribués dans les salles obscures que les films gays. Pourquoi? Peu soutenus par les médias, ils souffriraient d’un casting d’inconnues et n’auraient pas suffisamment de public…Têtue s’est penchée sur la question
 
Les films avec des héroïnes lesbiennes gagnent en visibilité.
De nombreuses productions sont téléchargeables sur Internet ou projetées lors de manifestations culturelles, dont Cineffable, le Festival international du film lesbien et féministe de Paris. Epicentre Films, BQHL, Outplay ou encore Optimale distribuent quelques DVD d’«histoires lesbiennes» aux Fnac et autres Virgin. Pourtant, beaucoup de films lesbiens sortent difficilement dans les salles, et ceux qui y arrivent font figure d’exception (Gazon Maudit, Mulholland Drive…) avaient d’abord trouvé la lumière dans les salles obscures. C’est le cas de Bandaged (2009), un thriller érotique de la réalisatrice américaine Maria Beatty projeté dans les cinémas des Etats-Unis et d’Allemagne – mais uniquement sorti en DVD en France, ainsi qu’en Belgique et en Suisse. Même sort pour I Can’t Think Straight (2007) et The World Unseen (2008), de la Britannique Shamim Sarif (photo au-dessus). Tous trois ont été bien accueillis à l’étranger. Le dernier, où deux Indiennes vivent une romance dans une Afrique du Sud en plein Apartheid, a même été primé à 23 reprises.
 
 
Prenons The World Unseen par exemple. Pourquoi son succès ne séduit-il pas les distributeurs hexagonaux? Le contexte épique et l’histoire d’amour entre deux femmes créeraient un blocage. «Lors du festival de Cannes, très peu de distributeurs ont fait des offres en dehors des distributeurs gays, qui ne pouvaient pas assurer une diffusion au cinéma à cause des coûts», regrette Hanan Kattan, compagne de Shamim Sarif et productrice du film.
 
Les films lesbiens, peu soutenus par les médias, contrairement aux films gays
Cynthia Pinet, notamment en charge de la promotion de The World Unseen, accuse: «Les films lesbiens ne sont pas soutenus par les médias, ce qui joue beaucoup sur leur notoriété et leur diffusion». Et de souligner la différence de traitement entre les «films lesbiens» et les «films gays» – ces derniers étant jugés comme «plus vendeurs».
 
Bandaged de Maria Beatty
 
«C’est difficile de vendre un film quel qu’il soit, tranche Valérie Minetto, réalisatrice d’Oublier Cheyenne. Ça n’a rien à avoir avec le fait que le film soit "lesbien". Et d’ailleurs, qu’est-ce ça veut dire film "lesbien"? Le problème est économique: les distributeurs essayent de se faire le plus d’argent possible en faisant le moins d’effort. Alors il y a de très bons films qui restent dans les tiroirs.»
 
Les films d’auteurs souffrent de la crise
 
Et la crise n’a rien arrangé. Plus que jamais, «les distributeurs et les exploitants préfèrent mobiliser deux copies d’un même film dans certains cinémas pour sortir de grosses productions américaines et rentabiliser leur investissement, plutôt que de laisser une chance à des films d’auteurs», résume Cynthia Pinet.
 
Les «films lesbiens» sont-ils particulièrement lésés? «Il y a de bonnes et de mauvaises histoires, c’est tout, observe Marion Tharaud, directrice marketing à Haut et Court, distributeur de La Naissance des pieuvres (2007) et de Two Girls in Love (1996). Quand on s’engage sur des films, [la thématique lesbienne] n’est absolument pas un frein. Mais c’est vrai que, par rapport au public, c’est moins passé dans le quotidien, contrairement à l’homosexualité masculine.»
 
 
Des distributeurs français qui restent frileux et craignent l’absence du public
Certains distributeurs se montreraient donc frileux, craignant de braquer les spectateurs. Clothilde Hanoteau, membre de Cineffable, renchérit: «Quand il s’agit d’un sujet vraiment lesbien, ceux qui produisent ou subventionnent pensent que ça n’intéresse personne, qu’il n’y a pas de public.» Surtout lorsque le réalisateur, le producteur et les acteurs du film sont peu connus…
Oublier Cheyenne de Valérie Minetto
 
L’engouement pour la série The L Word changera-t-il la donne? Clothilde Hanoteau veut y croire. En revanche, Cynthia Pinet est réservée. «Après The L Word, commente-t-elle, tous les producteurs ont trouvé intéressant d’intégrer un personnage lesbien dans leur série, comme Grey’s Anatomy ou Desperate Housewises. Mais où sont les films lesbiens? Dans les festivals… C’est dommage. Et il n’est pas là question de faire du militantisme, mais simplement de montrer que les héros d’une série policière, d’une histoire d’amour, d’un thriller, peuvent être un homme et une femme, ou deux hommes ou deux femmes… sans que cela n’enlève rien à l’intrigue ou à la qualité du film.