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 d’ADHEOS

L’ex-prêtre Andrés Gioeni s’apprête à épouser l’homme qu’il aime. Il en profite pour demander à son compatriote le pape François plus de tolérance envers les gays.
 
L’Argentine, le pays du pape François, s’apprête à fêter les un an de son élection. Et, dans le même temps, une union pas comme les autres. Le 7 mars, et pour la première fois au monde, un ex-curé va se marier légalement avec quelqu’un du même sexe. Une reconversion à 360°…
 
L’histoire d’Andrés Gioeni, 42 ans, commence dans la province de Mendoza, capitale de l’ouest argentin. Il grandit avec deux frères dans une famille assez traditionnelle, «plutôt macho», dit-il. Inscrit dans un collège catholique, il rejoint bientôt un petit groupe de missionnaires qui œuvre dans un bidonville de la périphérie, où aucun religieux ne met les pieds. Les jeunes s’en plaignent à l’évêque auxiliaire, qui leur explique qu’il n’a pas assez de recrues pour envoyer des prêtres dans toutes les banlieues et leur demande si l’un d’eux n’a pas la vocation… Andrés n’a que 16 ans. Pour lui, c’est un signe, c’est lui qu’on appelle. Après huit ans de séminaire, il est enfin ordonné prêtre, et semble promis à une brillante carrière au sein de l’archevêché de Mendoza. Il devient même le plus jeune directeur de la catéchèse de la province. «Je garde un bon souvenir de cette époque, se souvient-il aujourd’hui. J’aimais le contact avec les gens, la transmission aux enfants, je me sentais à ma place».
 
«Dans mon milieu social, être gay était inimaginable»
 
Mais dans l’intimité, il ressent un vide de plus en plus grand que la foi ne parvient pas à combler: «J’avais tout simplement besoin d’un amour moins abstrait, plus physique», explique-t-il. Quand il commence à s’interroger sur sa sexualité, ressurgit soudain un attrait pour les hommes sentit dès l’adolescence, mais jusqu’ici réprimé : «Dans mon milieu social, être gay était inimaginable». Avant de s’engager dans les ordres, Andrés a même eu une petite amie pendant deux ans, sans relation physique puisque l’Eglise le lui interdisait, ce qui lui évite de se confronter à la réalité. Désormais, sur internet, il commence à visiter des sites gay, et même à chatter. «Je me sentais la personne le plus sale et la plus hypocrite qui soit, c’était une période terrible», poursuit-il. Dans une situation intenable, et ne souhaitant pas mener une double vie «comme d’autres peuvent le faire», il décide de quitter sa robe de prêtre, sa famille, sa paroisse, et prend la route de la capitale, Buenos Aires.
 
Poster Boy
Arrivé sans un sou, il se lance dans le théâtre, qu’il affectionne depuis l’adolescence. Dans la grande ville, le jeune homme resté vierge pendant 30 ans découvre soudain la vie nocturne, la fête, et rattrape vite le temps perdu: «Je suis un peu tombé dans l’autre extrême…», reconnaît-il. Pour accélérer sa carrière, il propose même ses services de mannequin, ce qui marche assez bien. Il en vient même à poser pour des sous-vêtements, puis nu à la Une d’une revue gay. «J’ai accepté un peu naïvement, et aussi parce que j’avais besoin de sentir que je plaisais». Sans imaginer les conséquences. A Mendoza, sa famille et les fidèles découvrent brutalement la nouvelle vie de celui qu’on connaît encore comme «le père Andrés». Immédiatement, il est expulsé de l’épiscopat.
 
AndresUn an plus tard, alors qu’il travaille dans un bar, il rencontre l’âme sœur, Luis, producteur de télévision, avec qui il vit maintenant depuis dix ans. «Une rencontre providentielle, car nous sommes extrêmement complémentaires». Ensemble, ils s’apprêtent à faire le grand saut. Le 7 mars, le couple gay sera uni par les autorités de Martinez, en banlieue de Buenos Aires, comme l’autorise la loi argentine depuis 2010. L’acte sera suivi d’une cérémonie avec une trentaine de personnes venues de Mendoza, sa famille, des amis mais aussi des membres de l’Eglise, respectueuses du choix d’Andrés.
 
«Je suis convaincu que François est favorable à des changements»
 
Lui, de son côté, n’a pas perdu la foi. Avant son mariage, Andrés Gioeni s’était fait connaître par deux lettres pieuses, et assez émouvantes, envoyées au pape François, dans lesquelles il demandait plus d’ouverture au souverain pontife. Le pape, pour l’heure, ne lui a pas répondu. «Je suis convaincu qu’il est favorable à des changements, mais il ne peut avancer contre l’Eglise», dit-il sans rancœur. Mais grâce aux réseaux sociaux, son histoire a circulé. Andrés a reçu de très nombreux messages de catholiques homosexuels, mais aussi de membres de l’Eglise argentine qui lui ont apporté son soutien «ce qui m’a beaucoup aidé». Ces messages l’ont aussi encouragé à écrire un livre, récemment diffusé gratuitement sur internet, où il approfondit sa réflexion sur la compatibilité de la foi et de l’homosexualité. Son titre : «Tant d’amour gâché. Comment être gay, croyant et ne pas mourir en essayant».