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 d’ADHEOS

Douze prévenus sont à la barre du tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon, ce jeudi 18 juillet, pour entrave à la liberté de manifester et d’injure à raison de l’orientation sexuelle.
 
« On nous a dit qu’on ne pouvait pas rentrer avec les drapeaux. » Devant le tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon ce jeudi 18 juillet, deux militants sont venus de Niort pour manifester leur soutien aux LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et au Planning familial. Les deux associations sont sur le banc des victimes.
 
 
Douze prévenus sont à la barre. Tous étudiants à l’Ices (Institut catholique d’études supérieures), ils sont accusés d’entrave à la liberté de manifester et d’injure à raison de l’orientation sexuelle.
 
Les préparatifs
 
« Nous allons d’abord examiner la préparation de vos agissements », explique la présidente. Face à elle, les réponses sont brèves. « Nous voulions simplement montrer notre désaccord », affirme un des prévenus.
 
Invités à décrire les conversations qui ont abouti aux faits reprochés, huit prévenus confirment qu’ils se sont réunis dans l’appartement de l’un d’eux, à La Roche-sur-Yon.
 
Plusieurs prévenus affirment que « les discussions ont principalement concerné les partiels ». L’heure de l’action aurait été définie « au fil de plusieurs discussions ». Les jeunes sont ensuite descendus de l’immeuble pour retrouver d’autres étudiants, semble-t-il.
 
La présidente demande : « Avez-vous entendu « on va casser du PD ? » » Ces propos ont été rapportés par un voisin.
 
Des prévenus haussent les épaules. Avocat de quatre associations parties civiles et d’une victime, maître Jean-Bernard Geoffroy, feint de s’étonner auprès de l’un des prévenus : « Quand on vous demande si vous avez entendu, vous dites non, mais quand on vous demande si c’est une femme qui a dit ça vous répondez que c’est une voix masculine. C’est curieux de pouvoir préciser ça, si vous n’avez rien entendu. »
 
Alors que les prévenus semblent avoir des soucis de mémoire, le procureur de La Roche-sur-Yon, Hervé Lollic, interroge : « Est-ce que cette phrase n’est pas suffisamment choquante pour qu’on s’en souvienne ? »
 
L’un des avocats des prévenus tente d’instiller le doute : « Une voisine dont la fenêtre est située au même niveau, indique n’avoir rien entendu en raison du bruit de la circulation. » Au cours de l’échange, l’un des prévenus a confirmé qu’il avait bien « prévu d’éclater des ballons ».
 
Les faits et les motivations des prévenus
 
Aux alentours de 10 h 20, les prévenus sont invités à s’exprimer sur les faits. L’occasion de se pencher, à nouveau, sur les motivations du groupe.
 
Ces jeunes gens intelligents font tout pour défendre l’idée d’une action « totalement improvisée ». Assez adroitement, un étudiant qui se distingue par sa grande taille explique : « Tout ça est très brouillon et d’ailleurs ça se voit avec le résultat. »
 
Il reconnaît avoir dissimulé son visage avec un foulard. La présidente pointe : « Vous prétendez participer à une manifestation, selon vous pacifique, mais vous êtes masqué et quand des policiers veulent contrôler votre identité vous donnez le nom de jeune fille de votre mère… » Sur les raisons de leur action, les étudiants éludent pour la plupart. « On a vu des photos qui nous ont choqués », expliquent certains sans détailler. Ce que ne manque pas de relever un avocat des parties civiles.
 
Un jeune homme défend « une action de militants contre d’autres militants ». Le slogan « homo-folie, ça suffit » ne lui paraît pas relever de l’injure. « C’est juste l’expression d’une opinion », explique ce prévenu qui, quelques minutes plus tard, dérape pourtant : « On voit le drapeau LGBT partout, c’est le délire. » La présidente veille à ce que les débats n’offrent pas une tribune à l’homophobie. Elle coupe : « On a bien compris que vous êtes en désaccord avec la visibilité de cette association. »

Le témoignage des victimes
 
Les victimes sont invitées à témoigner. À la barre, la présidente fait venir trois personnes. L’une d’elles tenait un téléphone. Sur une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, on voit qu’un coup donné fait tomber l’appareil. La dame, âgée, mime « un coup sec sur la main ». Les deux autres personnes ont présenté des certificats d’interruption temporaires de travail de dix et huit jours. Elles ont plus de 70 ans. Leurs déclarations sont contestées par le prévenu, accusé de s’être montré violent à leur égard. Il fait partie des étudiants sanctionné par l’Ices.
 
Alors qu’un avocat des parties civiles demande s’il imagine que les deux prévenus pourraient, à leur âge, l’accuser sans raison, il ironise : « La question est plutôt, est-ce que j’oserais, moi à 21 ans, les agresser. » Il affirme pour sa part avoir été « pris par le col ».
 
L’avocate du prévenu brandit les déclarations d’un policier. Elle laisse entendre que les bleus constatés n’auraient pas de lien avec les faits. La présidente relève : « Certaines déclarations faites aujourd’hui ne correspondent pas à celles faites précédemment. » À la barre, l’homme qui vient de décrire une chute défend : « On m’a demandé si j’étais blessé… En fait j’étais tellement content que ma tête n’ait pas touché le sol… Je n’ai réalisé que le lendemain… » Les débats continuent autour de photos issues de la vidéo.

La parole est aux parties civiles
 
L’audience a repris après une suspension de près de deux heures au tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon.
 
La salle est pleine. Dans la matinée, le public a été invité à retenir ses réactions. Une demande de la présidente du tribunal formulée alors que des rires et des commentaires s’étaient fait entendre pendant les témoignages de trois victimes.
 
Maître Jean-Bernard Geoffroy, qui défend quatre associations (Centre LGBT de Vendée et Trans inter action, Aides, le Planning familial et la Ligue des Droits de l’homme) et une victime, rappelle la symbolique du drapeau LGBT volé et brûlé par l’un des prévenus : « C’est le drapeau Arc-en-ciel qui exprime les souffrances des LGBT +. Il exprime le souhait de s’ouvrir, de sortir de cette invisibilité à laquelle on voudrait les soumettre. » Plus tard, il rappelle : « Ils réclament les mêmes droits, pas plus. » Une réponse, en creux, à l’affirmation d’un prévenu qui voyait dans le combat des LGBT « l’expression d’un communautarisme. »
 
Sur le délit d’entrave, l’avocat insiste : « Que l’action ait duré longtemps ou non, intervenir ainsi sur une manifestation licite, c’est une entrave à la démocratie. » Sur l’injure, l’avocat déplore : « Avec le slogan « homo-folie », on renvoie les personnes homosexuelles à une période où on assimilait l’homosexualité à une maladie mentale, période heureusement finie. » Répartis sur deux bancs, les prévenus écoutent attentivement l’avocat. Il les interpelle : « Vous faites tous des études supérieures, vous auriez pu penser à un autre slogan. »
 
« Je condamne également les insultes adressées aux prévenus »
 
L’audience se poursuit au tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon. Malgré la chaleur qui s’est installée dans la salle, deux des douze prévenus ont conservé leurs vestes. Ils ont suivi attentivement les plaidoiries des avocats des parties civiles.
 
L’avocat des deux militants de la Ligue des Droits de l’Homme appuie : « Le prévenu conteste les violences qui sont décrites par ces deux personnes de 70 ans, mais personne n’est capable de dire pour quelle raison il a été « retardé » lors du passage sur le stand. » Pour lui, « le récit des violences des deux militants explique évidemment la raison de ce retard. »
 
Deux autres victimes se présentent à la barre. Deux hommes qui expliquent être homosexuels. Choqués par ce qu’ils ont subi, ils demandent seulement 1 € symbolique pour le préjudice subi. Avant de rejoindre son siège, l’un d’eux insiste : « Je condamne également les insultes adressées aux prévenus. » Un message que le procureur relève alors qu’il vient de commencer son réquisitoire, un peu après 15 h 40 : « J’apprécie, Monsieur, votre message, touchant, qui rappelle l’attitude à tenir. »
 
Le procureur requiert deux à huit mois de prison avec sursis
 
Économie, Mathématiques, Droit, Histoire… Le procureur de La Roche-sur-Yon énumère les disciplines suivies par les prévenus. Ils sont tous étudiants à l’Ices, l’Instiut catholique de Vendée. L’enquête n’a pas établi de lien entre l’établissement et les faits, mais le procureur insiste : « J’aurais pu me passer de certains rappels historiques, mais dans le contexte ils m’apparaissent nécessaires. » Il cite la déclaration universelle des Droits de l’Homme : « En 1948, elle a été établie avec la sinistre mémoire des agissements de ceux qui avaient cherché à éliminer tous ceux qui ne sont pas « comme il faut être» .» »
 
Le procureur rappelle : « Tout individu a le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions. » L’un des prévenus baille sans retenue. Pour le procureur, les violences ne font pas de doutes, bien qu’elles ne soient pas franchement reconnues par le prévenu auquel elles sont reprochées : « Il nous dit lui-même avoir fait un mouvement brusque pour se dégager. » Il invite le tribunal à ne pas s’arrêter sur les certificats médicaux qui semblent poser problème aux défenseurs des prévenus : « Vous avez suffisamment de témoignages pour condamner. »
 
Il requiert des peines de deux à huit mois avec sursis et des heures de Travail d’intérêt général : « Parce que ce ne sont pas des faits anodins. Ce sont des peines d’avertissement qui montrent la réprobation, sans obérer leur avenir. »