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 d’ADHEOS

 Le sort des lesbiennes sud-africaines est l’un des moins enviables de la planète. Alors que l’Afrique du Sud est le seul pays africain où les homos peuvent se marier et adopter, l’on recense énormément de violences subies par les femmes qui osent vivre leur sexualité librement, pouvant parfois aller jusqu’au meurtre.
 
 «Quand une jeune femme homosexuelle est allée porter plainte pour viol au commissariat local, les policiers lui ont demandé si ça ne lui avait pas plu d’avoir un pénis entre les jambes…». Aussi choquant qu’il paraisse, d’après Carrie Shelver (photo) de l’association POWA, cet épisode n’est pas rare en Afrique du Sud. « Dans notre société machiste, certains pensent que violer une lesbienne va lui faire aimer les hommes!». On a même mis un nom sur ces actes horrible: «viols correctifs».
  
L’Afrique du Sud est le seul pays africain où les homosexuels sont autorisés à se marier et à adopter
«Notre Constitution est très libérale. Après la fin de l’Apartheid, on s’est dit que plus personne ne devait être discriminé», explique Kamahelo Malinga de Gay and Lesbian Memory in Action (GALA), une association qui rassemble les archives de la communauté gay en Afrique du Sud. Mais entre la théorie et la pratique, la marge est grande. Et l’homophobie est encore bien présente dans la société sud-africaine, en particulier dans les townships.
 
Nini et Maserame

 
 Maserame a 23 ans et vit à Soweto, une immense banlieue de Johannesburg, où s’entassent environ 4 millions d’habitants, noirs et pauvres pour l’immense majorité. En couple depuis un peu plus d’un an, elle affiche fièrement une bague aux couleurs de l’arc-en-ciel. Mais chez elle, pas un mot sur son homosexualité. «Mes parents voient bien que je fréquente des lesbiennes. Mais tout ce qu’ils en disent, c’est qu’elles risquent d’avoir une mauvaise influence sur moi. Ils sont très religieux et pour eux, une femme doit se marier avec un homme».
Nini, la copine de Maserame (photo), se dit quant à elle «chanceuse» car ses parents l’acceptent telle qu’elle est. «J’ai toujours été très masculine, dit-elle. Je pense qu’ils ont rapidement su que j’étais lesbienne». Mais en dehors du cercle familial, elle avoue avoir «souvent peur». «Les remarques, les insultes, on vit ça au quotidien», affirme-t-elle. «Un jour, j’ai été agressée par un groupe de jeunes de mon quartier. Ils m’ont traité de sale gouine, m’ont dit qu’ils allaient me montrer ce qu’était un homme. Finalement, ils m’ont assommée avec une bouteille de bière. Je me suis réveillée à l’hôpital…».
 
 
Violées, et tuées à cause de leur orientation sexuelle
 
Il y a deux ans, deux amies de Maserame et Nini ont été violées puis assassinées à Soweto. Pour elles, comme pour les associations LGBT, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : elles ont été tuées à cause de leur orientation sexuelle. En avril 2008, le viol et le meurtre d’Eudy Simelane, joueuse de foot de l’équipe sud-africaine, ouvertement lesbienne, a attiré l’attention de la communauté internationale sur les violences que subissent les homosexuelles sud-africaines. Son meurtrier a été condamné à la prison à vie. Mais quand il s’agit de victimes anonymes, beaucoup d’agresseurs échappent à la Justice (voir encadré «Moins de 5% des violeurs condamnés»). «Quand on connaît l’accueil qui leur est souvent réservé dans les commissariats, on ne s’étonne plus que beaucoup de jeunes femmes n’osent même pas porter plainte, constate Carrie Shelver. Alors leur agresseur reste libre, elles le croisent tous les jours, et souvent il recommence».
 
Certaines femmes tiennent cependant à positiver. «Ce n’est pas parce que cela arrive qu’on doit s’enfermer», affirme Lebo, qui vient d’ouvrir un club gay à Soweto. «Plus les gays sont visibles, mieux ils seront acceptés». Mais elle n’oserait pas s’afficher avec sa copine dans un bar hétéro. «Trop dangereux».
 
 «Il y a toujours eu des lesbiennes à Soweto»

 
 Soweto, dimanche après-midi. De la musique house résonne dans un bar dont l’entrée donne sur le parking d’un supermarché. Quelques filles sirotent une bière en terrasse. A priori, rien ne distingue l’endroit d’autres pubs dispersés dans le township. Pourtant, c’est le seul club gay de Soweto. «Just after Nine» a ouvert ses portes en avril dernier à l’initiative de Primrose et Lebo, deux jeunes trentenaires habitantes du quartier. «On organise des soirées tous les week-ends. Le but est avant tout d’avoir un lieu où les lesbiennes et les gays peuvent se rencontrer, s’amuser. Un endroit où nous pouvons être nous-mêmes», explique Primrose.
 
«Il y a toujours eu des lesbiennes à Soweto. Mais cela fait peu de temps que certaines osent se montrer», affirme Lebo. Avec ses cheveux rasés et son style garçonne, elle dit avoir toujours affiché son homosexualité. Pour Primrose, dont la famille est plus «traditionnelle», cela a été un peu plus compliqué. «Mais aujourd’hui, ma mère me soutient et elle est même venue nous donner un coup de main lors de la soirée d’ouverture du club».
«Les gens sont heureux de trouver ici un lieu où ils n’ont pas besoin de cacher leur homosexualité, fait remarquer Lebo. Beaucoup d’homosexuels ont des doubles vies, des hommes comme des femmes. Une de nos clientes est mariée avec un homme et enceinte. Mais elle retrouve sa copine ici le week-end…».
  
Moins de 5% des violeurs sont condamnés!
Depuis plus de 30 ans, l’association féministe People Against Women Abuse (POWA) se bat contre les violences et les discriminations à l’encontre des femmes. Aujourd’hui, elle dispose de bureaux dans le centre-ville de Johannesburg ainsi que dans la plupart des townships qui entourent la métropole. «Nous avons notamment deux centres d’accueil d’urgence pour les femmes battues», explique Carrie Shelver, membre de POWA. «Nous fournissons également une assistance juridique gratuite, des services médicaux et un service d’écoute».
Parmi les femmes qui se tournent vers l’association, beaucoup ont été victimes de viols. Et parmi elles, bon nombre de lesbiennes.
 
La société sud-africaine est misogyne
«La société sud-africaine est misogyne», affirme Carrie Shelver. «Les agressions de lesbiennes font partie d’un problème beaucoup plus large de violence en général, et envers les femmes en particulier. Les homosexuelles sont des femmes qui transgressent les règles. C’est pour cela qu’elles deviennent des cibles ». Ce sont d’ailleurs généralement des gens qui les connaissent qui s’en prennent à elles. Dans le pays, toutes les 6 heures une femme est tuée par son conjoint ou par un ex-petit ami.
 
Des juges hostiles aux lesbiennes
«On estime qu’il y aurait entre 600.000 ou 700.000 viols par an. Peut-être beaucoup plus», poursuit Carrie Shelver. «Moins d’un viol sur 10 est déclaré. Et moins de 5% des agresseurs contre qui une plainte a été déposée sont condamnés. Dans beaucoup de cas, on considère qu’il n’y a pas assez de preuves… ou que la victime était consentante. Et si elle est ouvertement lesbienne, les juges lui sont généralement hostiles».